L’enseignement de la science en langue arabe a marqué notre histoire pendant des siècles, comme l’attestent les manuscrits de certaines œuvres littéraires, historiques et scientifiques que les arabophones nous ont légués. C’est durant la période coloniale que ces intellectuels arabophones ont été remplacés par une nouvelle élite instruite dans la langue du colon, d’autant que ce sont les érudits musulmans et arabophones qui s’étaient remarqués par endroits dans la résistance anticoloniale. Comme le déclin de la science dans le monde arabe, ces intellectuels arabophones se sont également focalisés sur les questions de religion au point qu’ils sont aujourd’hui principalement associés au fait religieux que toute autre chose.
Néanmoins, les différents gouvernements guinéens, depuis la Première République, ont tenu à consulter les oulémas avant la prise de certaines décisions gouvernementales. C’est dans cette optique qu’il y a eu la mise en place de la Ligue islamique/Secrétariat général des Affaires religieuses. Mais depuis quelques temps, on assiste à l’émergence d’une nouvelle classe d’élites arabophones formés dans des grandes universités à travers le monde et dans différents domaines bien au-delà des disciplines religieuses ou littéraires.
En effet, pour arriver à cela, il y a eu la réforme des écoles coraniques ou exclusivement arabophones appelées « medersas ». Cette réforme, engagée depuis les années 70 et toujours en cours, s’est faite par l’adaptation de cursus et programmes d’enseignement dans ces écoles coraniques et l’ouverture d’écoles dites « franco-arabes ». Celles-ci sont comme les écoles classiques d’instruction française, avec la différence qu’elles sont bilingues et dispensent des cours religieux à côté du français, de la géographie, de l’histoire, des mathématiques, de la chimie, de la physique et d’autres matières. Les élèves participent aux examens nationaux au même titre que leurs camarades des écoles classiques, sauf qu’ils sont administrés sous un régime adapté à leur spécificité. Depuis plusieurs années, les bacheliers sortis de ces écoles franco-arabes accèdent aux études supérieures dans des universités publiques et privées en Guinée, en plus des contingents qui s’orientent vers les pays arabes.
Cependant, les diplômés avec ce parcours sont, de manière générale, toujours perçus à l’aune de leurs devanciers qui étaient/sont exclusivement arabophones, car leur capacité intellectuelle et leurs apports sont souvent réduits au champ religieux. Pourtant, ils ont les mêmes parcours et cursus que leurs confrères francophones dans presque tous les domaines aujourd’hui. Ils ont d’ailleurs un atout en ce qui concerne les aptitudes linguistiques, car ils sont tous bilingues et une partie est même trilingue (arabe, français et anglais).
En effet, plusieurs diplômés guinéens issus de l’école franco-arabe ont raflé de prestigieux trophées et de prix dans différents concours universitaires au niveau international, sans parler des thèses soutenues avec mentions dans des grandes universités au Maroc, en France, en Malaisie, au Soudan et en Arabie saoudite, etc.
De même, beaucoup d’entre eux font la fierté de la Guinée à travers le monde. Aujourd’hui, nous avons des arabophones guinéens qui occupent des postes de responsabilité à l’OCI, aux Nations unies, à la Banque islamique du développement et à l’Union africaine, pour ne citer que ces institutions. D’autres sont employés dans des grandes banques à l’international. Ces fils et filles de la Guinée ont prouvé leurs compétences là où ils ont été mis à la tâche. En Guinée, bon nombre d’entre eux participent activement aux activités philanthropiques dans la prise en charge des orphelins, la construction et le curage des puits améliorés, la construction des lieux de culte et la promotion de la paix et de la tolérance dans notre pays. Sans oublier la responsabilité sociale (décès, réconciliation) et ils constituent des gages contre l’intégrisme et le terrorisme.
C’est pour dire que ces élites arabophones peuvent jouer un rôle imminent dans la promotion de l’éduction, de la recherche, du développement sociopolitique, dans le renforcement des relations bi et multilatérales et, surtout, permettre à l’État guinéen d’accéder à de nombreuses opportunités et aux fonds des pays arabes et musulmans. Ils peuvent participer activement au sein du gouvernement, dans les ministères et les représentations diplomatiques pour le développement de notre patrie. Ceci pourrait être un atout pour les nouvelles autorités de la transition pour promouvoir l’excellence et l’inclusivité.
Par : MANSARE Ibrahim
Consultant en Fiance Islamique.