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Journée mondiale des langues maternelles : A la rencontre d’Aguibou SOW promoteur des langues locales

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Dans cet entretien qu’il a accordé à notre rédaction, Aguibou SOW promoteur des langues nationales est longuement revenu sur l’origine de la journée mondiale de la langue maternelle célébrée ce mardi 21 février à travers le monde.

A l’entame, le fonctionnaire au centre de recherche CIRD de Guinée déplore l’indifférence des autorités face à cette journée, qui pourtant selon lui, méritait une attention particulière des dirigeants. Convaincu que la meilleure façon de comprendre l’authentique passe forcément par la compréhension des langues locales, Aguibou formule des recommandations à l’endroit des autorités et des citoyens. Il plaide pour que les langues locales soient enseignées dans les Établissements du pays.

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Guinée360 : Vous êtes promoteur des langues nationales, quel regard portez-vous sur cette journée ?

Aguibou SOW : Il est très difficile de dire que la Guinée est en marche de cette journée parce qu’à ma connaissance il n y a aucune déclaration officielle de la part du gouvernement sur la célébration de cette journée. Sauf que des associations qui font la promotion des langues nationales en leur manière essaient tant bien que mal soit sur les réseaux sociaux, soit de manière physique, de célébrer cette journée. Et ça ce n’est pas coordonné par l’administration publique, chacun fait à sa manière parce qu’il a décidé, c’est une journée qui l’intéresse et qui parle de sa langue maternelle.

Pour vous comment ça devrait se passer en principe ?

Pour moi il devait y avoir des conférences, des ateliers de formations, des sensibilisations, parce qu’il faut le rappeler que cette journée est partie du fait qu’un peuple a décidé après l’indépendance de partir automatiquement avec sa langue maternelle. Et il y a eu des morts, mais depuis, l’humanité a décidé d’en faire une journée internationale. Lorsque nous, peuple colonisé par la France, avons eu notre indépendance, on n’a pas daigné revenir sur nos langues. Ce qui veut dire qu’on est toujours sous la domination linguistique. On ne s’est battu pour une indépendance linguistique. Sinon, il aurait dû être le premier combat. La preuve est que dans le cadre de cette interview, nous sommes en train de parler Français, pendant ce temps je suis en train de vous parler de la journée mondiale de la langue maternelle. J’aurai bien aimé que cela soit dit dans une langue maternelle. C’est à nous de promouvoir nos langues, parce que c’est un vecteur principal de notre culture. Qui dit culture, dit d’abord langue. Aujourd’hui aurait été un grand jour, pour les peuples décolonisés de comprendre que le Français, nous fait énormément du tort surtout dans l’apprentissage de la science et de la technologie. On aurait pu ramener tout ça sur une table de discussion, repartir sur un enseignement avec les langues nationales, mais bien avant, voir la faisabilité pour que cela puisse être valorisé.

Vous, en tant que promoteur des langues locales, qu’est-ce que vous avez l’habitude de faire à l’occasion de cette journée ?

D’habitude je célèbre cette journée si ce n’est parce que vous m’avez posé la question en Français, à la maison et partout avec des amis, ma décision serait de parler en langue maternelle. Deuxièmement, je donne des cours en langue polar. Je suis promoteur des langues, mais comme je ne maitrise que le poular, je me suis spécialisé dans l’enseignement de la langue poular. Aujourd’hui je donne des cours de poular gratuitement. Mais aussi, je fais des poèmes en poular aux enfants à la maison pour leur dire c’est une grande journée qui mérite d’être célébrée. J’avais aussi prévu de publier aujourd’hui un roman que j’ai écrit en poular, malheureusement il y a eu un retard de convoi je n’ai pas pu, mais je pourrai le faire en différé conformément à la célébration de la journée internationale des langues maternelles.

Vous donnez des cours en langue poular. Quelle place occupe cette langue aujourd’hui en Guinée ?

Je donne un cours de didactique des langues, j’ai donné un cours à l’Université de Sonfonia, je donne des cours de poular à des jeunes journalistes, à des jeunes fonctionnaires qui n’ont pas la possibilité d’utiliser la langue poular. Je n’aime pas parler d’une seule langue, j’aurai aimé mettre cette langue au pluriel. Si je fais une autopsie, je vous dirai qu’il y a certaines de nos langues qui sont dans le coma. Il est très rare de voir aujourd’hui un jeune guinéen, même un villageois, vous lui demander son numéro de téléphone, il vous le dit dans sa langue maternelle. C’est toujours en Français. On a, à peu près perdu l’usage des chiffres, des jours, des semaines, des mois et c’est par là que commence une langue. Donc l’ensemble des langues guinéennes sont dans un état très comateux et il y a des langues qui tendent vers la disparition. C’est des langues qu’il faut sauver, sinon au bout de 10 ans, certaines langues guinéennes vont mourir.

Quelle recommandation avez-vous à l’endroit des autorités, mais aussi à l’endroit des citoyens pour valoriser nos langues nationales ?

Comme l’a dit Thierno Samba Mombeya, on ne peut comprendre les authentiques que par nos langues. On peut quitter du Français pour aller vers nos langues. Et cela part d’une base d’une volonté politique. Et pour arriver à cette volonté politique, il faut forcément une politique linguistique, il faut une étude de faisabilité sur le retour des nationales dans le service public, à l’école et il faut un engagement personnel de la part de la population d’accepter qu’on ne peut aller de l’avant qu’en utilisant nos langues nationales. Je pense que c’est à la fois les autorités mais aussi le peuple. Il faut qu’il y ait un engagement et chez les uns et chez les autres que nous comprenions que nos langues ont le droit de revenir sur l’espace public. Que nos langues ont le droit d’être enseignées dans nos écoles. Et que c’est la meilleure façon d’écourter le cycle et d’augmenter la compréhension pour les enfants.

Guinee360