La Guinée est un État laïc où chacun possède une liberté quant au choix du mode vestimentaire sans que cela ne constitue une atteinte aux mœurs, à la pudeur, à la sécurité nationale et à l’ordre public. Ce n’est que dans ces conditions qu’une restriction pourrait s’opérer par une interdiction. Cette année, le port intégral du voile islamique par nos (femmes, filles, sœurs, maman) à l’occasion des différents examens nationaux fait l’objet d’interdiction. Il est interdit à celle-ci de les porter pour accéder dans les salles d’examens.
Est-ce que cette interdiction ne constitue pas une violation des droits des femmes voilées (droit à l’intégrité physique de la femme, droit à l’éducation, le droit à la non-discrimination…). Cette interdiction est-elle légale au regard de notre arsenal juridique. Quels recours utiliser pour attaquer cette décision permettant ainsi aux femmes voilées d’accéder dans les salles d’examens ? Il s’agit là des questions qui méritent d’avoir des réponses satisfaisantes pour lever toute équivoque ou ambiguïté.
La présente tribune vise d’abord, à montrer que le port intégral du voile intégral est une liberté individuelle fondamentale qui ne pourrait être interdite que selon des conditions précises par la loi (menace à l’ordre public, à la sécurité nationale et aux bonnes mœurs). Ensuite, elle vise à démontrer que cette interdiction violerait plusieurs droits de l’Homme (droit à l’éducation, à l’interdiction de la discrimination, à l’intégrité physique). Enfin, elle s’attèle à montrer que l’État guinéen devrait prendre toutes les dispositions nécessaires pour garantir l’accès aux femmes voilées aux différents centres d’examens.
Il faut rappeler que la Guinée est composée de plus 85% de musulmans. À cet effet, une partie de cette population musulmane pratique les modes coutumières de la religion islamique. Parmi les coutumes pratiquées par les femmes figure le port intégral du voile islamique. Alors que, parmi celles-ci figurent des élèves et des lycéennes qui doivent affronter les différents examens nationaux.
De même, le système éducatif guinéen est composé d’une part, d’un système de type occidental, et d’autre part d’un système de type mixte (franco-arabe). Ce qui prouve que l’État reconnait l’enseignement islamique. Dans ce type d’enseignement, le port intégral du voile islamique est de facto autorisé. Dans l’autre système de type occidental, on trouve des exemples où des jeunes filles sont voilées même si le nombre est peu.
Le Ministère de l’Enseignement primaire et secondaire a pris une mesure interdisant aux femmes, filles voilées d’accéder aux différents centres d’examens. Pour le Ministère, le but visé serait éventuellement de lutter contre les pratiques illicites (fraudes, substitution des candidats.).
À mon avis, pour interdire un tel mode vestimentaire il faudrait que celui-ci constitue une menace à l’ordre public, à la sécurité nationale et une atteinte aux bonnes mœurs. Et cela devrait être démontré par le Ministère par des arguments solides. Je ne conçois pas le fait de porter le voile intégral serait une menace dans le contexte actuel guinéen et surtout pour l’enseignement primaire et secondaire.
Que ça soit dans le système normal ou mixte, il existe un style vestimentaire. Le port intégral du voile islamique est une pratique coutumière de facto qui est autorisée dans les systèmes mixtes. S’il est permis, durant toute l’année scolaire pour quoi l’interdire alors au moment des examens. Soit il faut le bannir carrément en adoptant une loi spécifique, ou bien le règlementer pour protéger la dignité des femmes.
Aux associations islamiques ou de défenses des droits de la femme d’attaquer cette décision auprès des juridictions administratives. L’interdiction d’une telle pratique vestimentaire appartient d’une part, au CNT qui devrait adopter une loi et, d’autre part, à la justice lorsqu’elle est saisie pour se prononcer éventuellement sur ce cas.
Dans ce cas précis, l’interdiction n’est pas du tout nécessaire sans que le Ministère ne montre les motifs. Ils devraient reposer sur les principes de nécessité et d’opportunité. En démontrant par des arguments solides et soutenables que le port du voile intégral constitue une menace à la sécurité nationale, à l’ordre public national et aux bonnes mœurs à l’occasion des examens nationaux.
À l’État de protéger le droit à l’intégrité physique des femmes voilées. Elles jouissent d’une liberté individuelle de s’habiller comme elles aiment et selon leur conviction religieuse. L’État doit recruter des femmes enseignantes chargées de faire la surveillance, les fouilles à l’égard de ces femmes voilées.
Notons qu’à travers cette interdiction, il existe une discrimination dans l’accès à l’éducation pour les femmes, filles qui portent le voile intégral.
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’origine nationale ou sociale ou de toute autre situation.
Dès lors, ces femmes, filles voilées ont droit à l’accès à l’éducation et à l’interdiction de la non-discrimination aux centres d’examens. La jouissance de ces deux droits de l’Homme participe au plein épanouissement de leur personnalité humaine et au renforcement du respect de leurs droits et libertés fondamentales. Et cela doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié. Aussi, toutes les femmes voilées ont droit au respect de leur dignité inhérente à l’être humain.
C’est à l’État de prendre toutes les mesures appropriées (protégé, respecter, mise en œuvre des DH) pour éliminer toutes formes de discrimination à l’égard des femmes voilées et de garantir l’égalité de chance dans l’accès à l’éducation et à la formation. Il doit éliminer tous les stéréotypes qui perpétuent cette discrimination.
Dr Sadou DIALLO
Docteur en Droit public
Consultant en droit de l’Homme