Peu vu par le grand public, pourtant riche en expérience et des travaux gigantesques, l’Institut Supérieur des Technologies de Mamou sort des sentiers battus. A sa tête, Pr. Cellou Kanté, Ingénieur de formation et doctorant en génie sanitaire, qui, depuis son arrivé, brise la glace en instituant une politique d’encadrement performante et différente des autres départements d’Enseignements Supérieurs. Les résultats en témoignent.
Avec un effectif de 850 Étudiants, 82 Enseignants Chercheurs, 5 Experts, cette École parvient bien à s’en sortir. Une salle d’informatique avec 300 ordinateurs, soit un pour deux Étudiants. « On est les seuls de la sous-région, pas seulement de la Guinée, à avoir ce ratio », indique d’entrée Pr. Cellou Kanté Directeur de l’Institut, dans un entretien accordé à notre rédaction.
Poursuivant, notre interlocuteur ajoute aussi qu’il y a un ratio Étudiant et encadrement bien garni. « C’est un enseignant pour 15 à 20 étudiants en Europe. A Mamou ici c’est 1 pour 30. A l’UCAD de Dakar, c’est 1 enseignant pour 64 étudiants, ça aussi ce sont des paramètres qui sont très importants, mais on n’y pense pas souvent… On a un équipement de laboratoire qui nous permet de faire une bonne formation… Nous avons sciemment de place pour des étudiants. C’est pourquoi ici, il n’y a pas de vacation. Les cours se font du Lundi au Samedi pour l’ensemble des étudiants», souligne-t-il, tout en rappelant : « notre fierté ce qu’on a, en ci-peu de temps former 55 jeunes au Master, 6 jeunes au Doctorat. La formation des formateurs est essentielle pour avoir des résultats. Parce que quand on parle de la qualité de la formation, il faut parler de l’encadrement des enseignants chercheurs».
Qu’est-ce qui distingue l’IST des autres départements d’Enseignement Supérieur ?
« Ce qui nous différencie des autres départements d’enseignement supérieurs ; premièrement, il y a ce qu’on appelle ici Recherche-Action qui couvre plusieurs domaines. Nous avons ici comme habitude de soumettre aux étudiants à des pratiques, chacun dans son domaine de formation. Ces pratiques, c’est pour les permettre de travailler sans avoir besoin d’un stage additionnel.
Deuxième aspect ; pendant que nous faisons cette recherche action, les enseignants arrivent à faire leurs masters et leurs doctorats.
Le troisième volet, c’est le service à la communauté, les travaux pratiques que nous faisons ici sont orientés dans la résolution pratique de la société qui nous environne…
Un autre aspect que je voudrais signaler c’est le fait que nous développons ce qu’on appelle la solidarité universitaire. On aide les autres universités avec des problèmes qui se posent à eux, dans le domaine de la formation ou autre. Exemple : quand on a envoyé des groupes électrogènes dans les universités, au niveau de Nzérékoré il y avait des difficultés pour alimenter le groupe de 100kva, on a fait une mission sur Nzérékoré pour les aider en mettant en marche ce groupe. Une fois on a fait une mission sur Kankan, sur ISIC, sur Boké », répond le Directeur de l’IST, qui ne s’arrêtera pas là dans sa liste.
« Nous avons un service ici que nous appelons depuis longtemps l’observatoire de suivi des diplômés. Nous avons mis en place un fichier qui nous permet de travailler avec les sortants de l’institution. Il est valide mis à jour annuellement. Est-ce qu’effectivement, les produits que nous donnons sont pertinents ? Est-ce que les jeunes que nous formons travaillent dans leurs spécialités une fois qu’il nous quittent ?», laisse entendre M. Kanté.
Grand prix du 8ème salon de l’innovation technologique
Crée en 2005, avec 6 départements de formation (Génie informatique ; Energétique ; Conception & Fabrication mécanique ; Techniques de laboratoire ; Technologie des équipements Biomédicaux ; Instrumentalisation & Mesures physiques), l’IST de Mamou fait aujourd’hui la fierté de l’Enseignement Supérieur, au-delà des frontières guinéennes. Classé depuis deux ans École d’Excellence, il a reçu l’année passée le Grand prix de l’innovation technologique. Un appareil de protection contre le coronavirus, confectionné par les chercheurs de cet Institut a bien permis la Guinée de s’offrir cette place. « Quand il y a eu l’annonce de la pandémie, notre ministère tutelle a invité chaque département à participer à lutter contre la pandémie chacun dans son domaine de formation. Nous on est technologue, on a mis un groupe de chercheur en place pour effectivement trouver une réponse qui soit en rapport avec notre formation. Donc l’équipe a été constituée pour apporter une réponse à la lutte contre cette pandémie. Donc qu’est-ce qu’il fallait faire. Effectivement, il y avait les gestes barrières qui sont indiqués qu’il faut respecter. Les jeunes chercheurs se sont dit qu’il faut aller dans ce sens. Trouver un appareil qui aide à observer ces gestes barrières… On s’est rendu compte le flashage qui est là, était mécanique. Il y avait une violation de la distanciation sociale. Donc il fallait que ce flashage-là soit automatique. Deuxièmement, il y avait des kits qui étaient installés partout, mais qui incluait l’ouverture de robinet qui était une source de pollution, ça aussi il fallait le résoudre, faire en sorte qu’il n’y ait pas de contact. Ensuite il y avait la sensibilisation qui était très importante…
Les jeunes chercheurs ont pu en seul appareil réalisé ces différents dispositifs qui protègent contre cette pandémie », se réjouit-il.
Plus loin, Pr. Cellou Kanté ajoute : « Quand on a fait l’appareil très tôt, on a élaboré des documents, on a fait une demande de brevet qu’on a déposé au service compétent. Mais c’est une démarche qui prend du temps parce qu’il faut vérifier est-ce que le produit est innovant, est ce qu’on est les premiers à le faire, est ce qu’il n’y a pas eu plagiat ? Et là on a été accompagné par le ministère de l’Industrie qui a une structure spécialisée qui concerne la propriété intellectuelle qui accompagne les chercheurs quand ils en ont envie d’aller à l’OAPI à Yaoundé. Pendant que l’appareil était présenté à tous les niveaux nous avons rédigé donc ce projet d’invention, le ministère de l’Industrie nous a aidés à le transmettre à l’OAPI à Yaoundé. Avant que le travail ne finisse à Yaoundé, il y a eu effectivement le 8ème salon de l’innovation technologique à Brazzaville, donc on devait y participer parce que c’était une validation à mi-parcours de notre produit. Donc il fallait impérativement assister à ce 8ème salon…. Et on a eu le Grand prix de ce salon de l’innovation technologique de Brazzaville, ça c’était au mois d’octobre 2020. Pendant ce temps le travail de validation de l’OAPI continuait à Yaoundé. Comme ils ont eu la preuve que le produit est innovant, ils nous ont délivré le brevet qui nous donne la paternité de l’invention. Un document qui certifie que ce produit nous appartient, appartient à la Guinée », jubile-t-il, avant d’expliquer que cet appareil peut être utilisé même après la Covid-19. «C’est un appareil d’hygiène public peut-être ce qui va changer, c’est le message. C’est un appareil qui n’est pas démontable».
Il faut rappeler que pendant la période d’Ebola, en 2014, l’IST de Mamou c’était aussi illustré, en créant un outil qui pouvait être utilisé dans tous les laboratoires pour protéger les laborantins et l’environnement.
« Dans le domaine de la chimie nous avons deux actions : le contrôle qualité des produits alimentaires et le contrôle qualité des eaux. Quand je parle des eaux c’est toutes les eaux naturelles, potables, usées et de ruissellement… Le contrôle de la qualité des eaux de boissons qui sont sur le marché, on le fait souvent parce qu’en le faisant nous protégeons la santé des populations. Exemple : on a fait l’étude des boissons énergisantes, qui sont plein de sucre de caféine et autres. Notre étude à montrer que ce sont des boisons qui peuvent porter atteinte à la santé publique de par leur composition effectivement, il y a excès de caféine, de sucre, etc. Donc il faut les consommer avec modération. Donc des travaux comme ça que nous apprenons à la communauté.
Il y a en biologie où nous pouvons faire passer parfois une école entière, faire une analyse biomédicale pour toute une école. On fait des analyses dans nos laboratoires de biologie et on transmet à l’hôpital régional », confie Pr. Cellou Kanté.
A noter qu’en dehors de la santé publique, l’IST de Mamou crée aussi des logiciels dont certains services arrivent à s’acquérir.
« Pour la bonne formation des cadres, il faut avoir d’abord des enseignants biens formés, il faut le support technique et un environnement saint…», a lancé le Pr. Cellou Kanté.
Entretien réalisé par SOW Ousmane2
Tel: 622 98 10 01