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Examens Nationaux : Sept hypothèses pour comprendre et dresser la cartographie de la fraude (Michel Pépé)

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Michel Pepe BALAMOU,Secrétaire Général de SNE

Ce débat sur l’analyse des résultats de l’examen du Baccalauréat session 2024 à relents etnico- politiques et régionalistes est une  prétention délibéré à vouloir ramer à contre- courant des valeurs et principes qui fondent l’école de la République qui est laïque et apolitique.  La fraude n’a pas d’ethnie, de religion ni de parti politique. Les admis au Baccalauréat dans une préfecture ne sont pas forcément d’une communauté  au regard du cosmopolitisme de nos villes et plus spécifiquement les villes  commerciales, industrielles et minières. Toutes les communautés ethniques de notre pays s’y trouvent.

En  portant des lunettes objectives  pour observer, analyser et interpréter la cartographie de la fraude des élèves et celle systémique en Guinée , plusieurs hypothèses se présentent.

PREMIÈRE HYPOTHÈSE :  cette cartographie de la fraude est dynamique, c’est-à-dire elle varie d’une préfecture à une autre, d’une commune à un autre , d’un centre d’examens à un autre ou d’une salle d’examens à une autre.

Par exemple, en 2017 , plusieurs lauréats  venaient d’un seul centre d’examens voire d’une même salle de classe dans une école privée à Conakry dans la commune de Ratoma.

 Ensuite , au niveau de la direction communale de l’éducation de Dixinn la plus petite d’ailleurs , tous les candidats  d’un profil ou d’une option d’une ou des écoles privées et publiques se retrouvent chaque  fois dans un même centre d’examens voire dans  les mêmes salles de classes. Et si  l’effectif total d’une option peut être installé dans un seul centre, alors peu importe l’école d’origine des candidats. On ne peut pas éparpiller un petit effectif dans trois à quatre centres  au moment où un seul centre a  la capacité de les accueillir.

Enfin , il y a des petites préfectures où les trois options (  Sciences Expérimentales, Sciences  Mathématiques et Sciences Sociales ) se trouvent dans un même  centre d’examens.

DEUXIÈME HYPOTHÈSE :  elle  a une périodicité très variable ; c’est-à-dire  elle change de zone d’une session à une autre. Pendant une année , on peut parler de Siguiri, Kankan, Kamsar , et pendant une autre année on parlera de Seredou, Gueckedou, Lola etc.  Et cela pourrait s’expliquer par la légèreté des surveillants, le laxisme de la supervision et la complicité des autorités éducatives locales.

TROISIÈME HYPOTHÈSE :  elle pourrait être conjoncturelle, c’est-à-dire  le désir de vouloir faire comme  les autres pour avoir de bons résultats surtout lorsqu’on pense que ce sont les taux élevés d’admis dans une localité donnée qui détermine la qualité des enseignements et des apprentissages et la performance des élèves et par ricochet d’un DCE/DPE.

QUATRIÈME HYPOTHÈSE : la fraude pourrait être sociologique, structurelle et systémique avec à la clé  l’implication directe de la communauté , des parents d’élèves, des enseignants et des autorités éducatives qui  mettent tous les moyens financiers et matériels  à contribution pour avoir un taux elevé de réussite aux examens nationaux. Certains superviseurs ont été menacés de mort  par endroit pour avoir refusé de prendre de  succomber aux tentations d’achat de conscience.

CINQUIÈME HYPOTHÈSE :  la fraude pourrait être liée à l’encombrement ou à l’enclavement d’un ou des centres d’examens. Lorsqu’un centre d’examens se trouve dans un quartier  à forte densité démographique ou difficile d’accès  , il  est souvent exposé aux facteurs de risque de fraudes massives.

SIXIÈME HYPOTHÈSE : l’achat de consciences des acteurs sur toute la chaîne de préparation , de passation et de proclamation des résultats des examens nationaux. La manipulation des notes, des moyennes, des mentions et des rangs sont visibles et de façon flagrante .

SEPTIÈME HYPOTHÈSE :  l’instrumentalisation des résultats pour des fins électoralistes à la veille des élections nationales. On encourage la fuite de sujets, la légèreté dans la surveillance et la correction des copies et enfin de compte on manipule les résultats avec à la clé des taux de réussite soviétiques pour charmer les élèves qui ont l’âge de voter et leurs parents.

Bref, en ce qui concerne la situation de Siguiri, il va falloir l’examiner avec une finesse d’esprit. J’ai fait l’examen du Baccalauréat deuxième partie dans cette ville au lycée Kankou Moussa.  Ensuite j’y ai été trois  fois  en 2023  dans le cadre de la supervision des opérations de paie des enseignants contractuels  communaux et des examens nationaux  . C’est une préfecture qui a un nombre très élevé d’écoles privées qui se trouvent même dans les districts telles que   Balato, Boukharia et Fatoyah dans la sous – préfecture de Kintinian pour ne citer que ceux-là parmi les dizaines de districts où on trouve même des lycée collèges publics qui présentent des candidats au Baccalauréat. C’est le cas du district de Boukharia.

Il est important de porter des lunettes objectives avant  tout jugement de valeur sur les résultats de telle ou telle préfecture.

À l’examen du Baccalauréat session  2023 , c’était la préfecture de Lola qui était à l’honneur  précisément le centre Lycée Lola  où se trouvaient les candidats des sciences expérimentales . Il y a eu  dans ce seul centre  173 candidats admis sur 174 dont un seul a échoué. Par la suite c’était le centre Morifindjan Diabaté de Kankan avec beaucoup de lauréats . Et bien avant ces cas , la sous- préfecture de Seredou battait le record en termes de taux de réussite au Baccalauréat etc .

C’est une façon de faire comprendre aux uns et aux autres que la fraude n’a pas de couleurs ethniques, religieuses et politiques mais elle est le fruit de l’inconscience professionnelle .

Enfin la lutte contre la fraudes aux examens nationaux ressemble aux luttes contre l’insécurité, la drogue et le terrorisme. Elle n’est jamais gagnée d’avance pour la raison  bien simple que les fraudeurs changent toujours de méthodes en fonction des nouvelles  dispositions anti fraudes. C’est le cas aussi chez les terroristes et les trafiquants de drogue. Il y aussi des quartiers dans les grandes démocraties où les gangs règnent en maîtres absolus et les unîtes de police et de gendarmerie malgré les équipements sophistiqués qu’elles possèdent n’arrivent pas à y avoir accès à plus forte raison éradiquer l’insécurité dans ces quartiers.

Pour le cas spécifique des examens nationaux , il faut procéder à l’audit de toutes les copies pour situer la responsabilité dans la commission des anti valeurs et des pratiques déviantes qui ternissent l’image du système éducatif guinéen et punir les auteurs et leurs complices. L’impunité encourage la récidive.

Miche Pépé Balamou

Secrétaire Général SNE