La volonté politique est sans cesse renouvelée au gré des discours. La Guinée a également ratifié les conventions relatives aux droits des personnes handicapées. Il existe même une loi ouvertement dédiée à la promotion et à la protection des personnes en situation de handicap. Mais entre les bonnes intentions et la réalité, il y a tout un océan que les personnes handicapées vivent sous forme de marginalisation, de discrimination et de de rejet. C’est l’amère expérience à laquelle Fanta Kébé, pourtant diplômée en économie-finances de l’université de Kankan, est confrontée. Souffrant d’un mal qui l’a rendue paralytique depuis l’école primaire, Fanta ne souhaite cependant pas vivre de la manche. Elle a du potentiel. Mais elle ne peut le mettre en valeur et en vivre dignement. Parce que partout, elle fait l’objet de rejet de la part des employeurs.
Elle s’est confiée au correspondant de nos confrères Djely dans la région de la Guinée Forestière.
Votre handicap, quelle en est l’origine ?
Merci pour la question. J’ai eu cette maladie, alors que je faisais la 6ème année (CM2). Ça a commencé par le gonflement des pieds et des joues. Donc, en marchant, mes pieds me faisaient mal. Finalement, mes parents m’ont amenée à l’hôpital où on m’a dit que c’est une maladie héréditaire. Après on m’a prescrit un produit du nom d’acide folique et on m’a instruit de prendre ce produit jusqu’à l’âge de 25 ans. Mais on est parti à Kankan avec ma mère. C’est là où la maladie s’est aggravée et j’ai vu un beau matin mes pieds se déformer.
Avec votre handicap, comment êtes-vous parvenue à étudier ?
J’avoue que ça n’a pas été facile pour moi. Je n’avais pas de moyen de déplacement. Donc, j’étais obligée d’emprunter les motos-taxis. Par manque de transport, dès fois je rampais pour rallier l’école ou à mi-chemin, des personnes de bonne volonté me prenaient pour m’accompagner. Parfois, je venais en retard, mais les professeurs intégraient avec mon état physique pour m’accepter.
Maintenant que vous avez fini la formation, j’imagine que vous essayez de trouver de l’emploi. Comment cela se passe-t-il pour vous ?
Vraiment, vous me donnez l’opportunité de m’exprimer sur ce que j’ai subi comme mépris à cause de mon handicap. Je m’en vais d’abord souligner que j’ai été major de ma promotion. Après la remise de nos diplômes, j’ai décidé de revenir à Kissidougou, à côté de mes parents. A mon arrivée en fin 2019, je suis allée vers des institutions de microfinances, comme je suis diplômée en économie finance. D’abord, j’ai tapé à la porte de First Bank où j’ai sollicité un stage. Je n’ai pas été acceptée. Puis je suis allée au Crédit rural. Refus là aussi. Alors je me suis tournée vers la préfecture, en me disant qu’il y a là des services qui s’occupent des finances. Quand je suis donc venue à la préfecture pour déposer ma demande de stage, on ne m’a pas acceptée. Mais pire, on m’a dit que ne sera pas facile pour moi de faire le stage là-bas. Parce que, m’a-t-on, les gens qui doivent y travailler sont toujours en mouvement. Or, disaient ils, moi je ne pourrais pas faire ça. Tout cela à cause de mon handicap et ça s’est passé en 2020.
Donc, pour l’heure vous peinez à trouver un stage. Comment menez-vous alors votre vie actuellement ?
Avec cette marginalisation dont je fais l’objet, en dépit de mon diplôme, mes parents, pour éviter que j’aille mendier, m’ont ouvert un Kiosque d’Orange Money où je fais des transactions. Je suis issue d’une très pauvre famille et pour toutes ces raisons que mes parents m’ont motivée à finir mes études. Ils espéraient également qu’avec la formation, je pourrais prendre en charge ma famille. Mais voilà que ce rêve-là est presque brisé.
Quel appel avez-vous à l’endroit des autorités ?
Ce que je demande aux autorités, c’est de promouvoir les droits des personnes handicapées. Faciliter notre emploi une fois qu’on termine les études. Sinon cela ne peut pas nous encourager. Nous pouvons aussi contribuer au développement de la nation au même titre que des personnes normales.
le djely