Les programmes de bourses d’études et les procédures comme Campus France jouent un rôle crucial dans la mobilité académique des étudiants africains vers la France. Bien qu’ils offrent des opportunités inestimables pour l’acquisition de connaissances et de compétences, ces programmes ont également des conséquences complexes sur l’Afrique, en particulier lorsque les étudiants choisissent de rester en France après leurs études.
Moi-même fruit de ce système, je partage ici ce que j’en pense et surtout ce que j’en ai compris.
I Conséquences sur l’Afrique :
- Fuite des cerveaux :
La fuite des cerveaux ou migration des talents, est l’une des principales conséquences de ces programmes. Les étudiants africains les plus brillants et les mieux formés choisissent souvent de rester en France après leurs études, attirés par de meilleures perspectives de carrière, des conditions de vie plus favorables et des infrastructures de recherche plus développées. Toutefois, cela prive leur pays d’origine de ressources humaines précieuses, indispensables au développement économique et social.
- Déséquilibre dans le développement :
Le départ de ces étudiants contribue à accentuer les déséquilibres de développement entre l’Afrique et les pays occidentaux. Les pays africains investissent dans l’éducation primaire et secondaire de ces étudiants, mais ce capital humain est souvent perdu lorsque ces derniers ne retournent pas contribuer à leur pays d’origine.
A cet instant précis où j’écris ce texte, je culpabilise et c’est malheureusement le cas de la plupart d’entre nous, nous culpabilisons à chaque fois que nous pensons à nos pays.
- Renforcement des inégalités :
Les étudiants qui restent en France après leurs études réussissent généralement à envoyer des fonds à leur famille, ce qui peut temporairement améliorer la situation économique de celle-ci. Cependant, cette dynamique peut renforcer les inégalités entre ceux qui ont eu la chance de partir et les autres qui sont restés, exacerbant ainsi les disparités socio-économiques au sein des sociétés africaines. Combien sont ces familles qui sont prêtes à tout pour que leurs enfants partent dans l’espoir de changer un jour leur situation ?
II Obstacles au retour :
- Marché du travail peu attractif :
Le marché du travail dans de nombreux pays africains est peu attractif pour les étudiants ayant acquis une expertise en France. Les salaires plus bas, les perspectives de carrière limitées, et parfois l’instabilité politique et économique, découragent les diplômés de revenir. Le “patriotisme” à lui seul ne suffit pas pour convaincre ces cadres de rentrer.
- Manque d’infrastructures et lourdeur administrative :
Les infrastructures de recherche et de travail en Afrique sont souvent peu développées. Cela limite les opportunités pour les étudiants dans des domaines spécialisés ou scientifiques, qui nécessitent des équipements et des conditions de travail avancées.
- Pressions sociales et familiales :
Les étudiants qui ont réussi à s’installer en France peuvent ressentir des pressions sociales et familiales pour rester et continuer à soutenir leur famille financièrement, ce qui peut être plus difficile à faire en retournant dans leur pays d’origine.
Beaucoup ont envie de rentrer mais n’osent même pas en parler à la famille au pays. C’est considéré comme un échec, une humiliation pour eux.
III Solutions envisagées :
- Renforcement des incitations au retour :
Les gouvernements africains, en collaboration avec leurs partenaires au développement, doivent mettre en place des incitations pour encourager le retour des diplômés, telles que des exonérations fiscales, des prêts à taux réduits pour l’entrepreneuriat, ou encore des programmes de réintégration professionnelle.
Rien qu’en garantissant un logement décent, la sécurité, la plupart ne demanderait même pas le tiers de leur salaire ici pour rentrer.
- Développement des infrastructures :
Investir dans le développement des infrastructures de recherche et des secteurs d’innovation technologique en Afrique pourrait rendre le retour plus attractif pour les diplômés, en leur offrant des conditions de travail compétitives.
- Partenariats avec des universités africaines:
Les universités africaines pourraient renforcer leurs partenariats avec des institutions françaises pour faciliter les échanges et la mobilité des enseignants et des chercheurs et créer des programmes de retour temporaires ou des collaborations à distance qui permettent aux diplômés de contribuer à leur pays d’origine sans quitter la France définitivement.
- Mentorat et réseau d’alumni :
Mettre en place des programmes de mentorat et des réseaux d’alumni pour les étudiants africains en France peut les aider à maintenir des liens avec leur pays d’origine et à faciliter leur retour en leur offrant un soutien dans la réintégration professionnelle et sociale. Le Togo est très en avance sur ce point, contrairement à d’autres pays comme le mien même si l’événement “Le salon de l’emploi” qui est organisé maintenant chaque année ici à Paris est une belle initiative qui va dans ce sens.
- Programmes de retour temporaire :
Des initiatives pourraient encourager les étudiants à revenir temporairement en Afrique pour contribuer à des projets spécifiques, partager leurs connaissances et renforcer les capacités locales, tout en conservant la possibilité de revenir en France.
J’ai personnellement postulé pour enseigner dans une école et j’ai été recalé au seul motif qu’il leur fallait un Dr et aux dernières nouvelles ils le cherchent toujours. Pour soulager ma conscience, j’étais prêt à le faire sans poser aucune condition particulière.
Ces solutions doivent être intégrées dans une politique globale qui prenne en compte les réalités économiques et sociales des pays africains, tout en maximisant les bénéfices des opportunités d’études à l’étranger.
Mouctar Diallo,
Spécialiste en environnement, eau et assainissement.
Alumni des universités Senghor à Alexandrie en Égypte, Limoges et Montpellier en France.