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 La Cité des Sciences et de l’Innovation : Plaidoyer pour une place aux HUMANITES à ’ère de l’anthropocène et de nouvelles mutations technologiques

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Dans sa dynamique de transformation profonde du système guinéen de la recherche et de l’innovation, le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) a procédé le 19 juillet 2024 au lancement des travaux de construction de la Cité des Sciences et de l’Innovation sur le site du Centre de Recherche Scientifique de Conakry – Rogbanè (CERESCOR) créé par décret le 12 juillet 1982.

Inscrite dans une perspective de rupture et continuité par rapport au CERESCOR, ce projet phare  qui traduit l’ambition de l’Etat de « positionner la Guinée comme leader régional en matière de recherche scientifique et d’innovation », comprend d’importantes structures dont celle dédiée à l’Environnement et le Développement durable, un Institut d’océanographie et des bassins côtiers, un Centre d’Intelligence des données, une Maison de l’innovation et un Digital Media Lab. Il convient de noter aussi que cette Cité servira de siège officiel à l’Académie des Sciences de Guinée. Ainsi, bien qu’on ne puisse douter de leur présence future dans le fonctionnement de ce haut lieu de la production scientifique en Guinée, force est de constater que les Humanités, entendues comme l’ensemble des Lettres, les Arts, les Sciences sociales et humaines, ne sont pas clairement positionnées dans ce projet. Un simple oubli ou l’expression d’un choix stratégique visant à focaliser le futur de la recherche scientifique en Guinée sur les disciplines dites « sciences dures » ? On ne saurait clairement répondre à cette question ici. Toutefois, il conviendrait d’interpeller les principaux acteurs qui conduisent ce projet, à savoir le Coordonnateur du projet, l’Etat, à travers le MESRI, de l’impérieuse nécessité de faire une bonne place aux Humanités ou tout au moins à certaines disciplines des Sciences sociales et humaines dans ce projet ce, pour au moins trois raisons principales.

Premièrement, asseoir de la manière la plus complète et concrète la vision interdisciplinaire du projet. En effet, si les premiers domaines de recherche jouent le rôle central de production des réponses techniques et technologiques aux besoins stratégiques exprimés par l’Etat, certaines de disciplines des Sciences sociales et humaines, déployées dans une perspective d’ingénierie, sauront capables d’apporter les éléments d’information nécessaires à la conception, à l’élaboration des grandes orientations stratégiques scientifiques du pays, tout en contribuant à l’évaluation de la mise en œuvre de ces orientations stratégiques ainsi qu’à la mesure de leur impact réel sur la transformation de la société. A ce titre, on pourrait citer des disciplines comme l’Epistémologie, les Nouvelles pensées philosophiques en matière d’Ecologie, d’Environnement, d’Intelligence artificielle et de Biotechnologie ;  l’Intelligence juridique et économique ; l’Economie de la connaissance, la Géopolitique des connaissances ainsi que les Etudes de politiques publiques et l’Ingénierie sociologique.

Deuxièmement, l’ouverture aux Humanités, notamment aux Arts et Lettres, en plus des disciplines précitées, est la voie idoine pour faire de la Cité des sciences et de l’innovation un véritable lieu de créativité mais surtout de règne d’un esprit critique chez les ingénieurs de tout type vis-à-vis de leur activité ainsi que de ses résultats. C’est de cette manière que l’on pourrait réussir à ancrer l’activité scientifique effectuée au sein de la Cité dans le cadre général de la société afin qu’il  n’y ait pas un monde dans le monde mais plutôt des mondes ou des parties d’un même monde en perpétuels interaction, dialogue, échange et communication. Etre dans la société, en lien continu avec elle, est la voie la plus pertinente pour saisir ses besoins et apporter des réponses adaptées.

Enfin, la dernière, mais non moins importante, raison est le fait que ces Humanités ne connaissent souvent les plus importants progrès en termes d’innovation conceptuelle, de méthode, de réflexion critique que dans leur interaction, dialogue, échange et communication avec les sciences dites « dures » et les résultats qu’elles produisent. Ainsi, mettre les Humanités en contact direct avec la production scientifique et les innovations au sein de la Cité, c’est offrir à la Guinée une occasion exceptionnelle de jouer un rôle d’avant-garde dans la dynamique intellectuelle en cours aujourd’hui, celle qui fait de l’Afrique l’une des voix les plus audibles et respectables en matière de réflexion critique et prospective sur le devenir de notre monde. Il s’agit de mutation que dénote l’attribution récente à l’historien, politiste et philosophe camerounais Achille Mbembe du prix Holberg (équivalent du prix Nobel pour le domaine des sciences sociales et humaines).

Ce que nous attendons proposer aux acteurs qui assurent la direction de cet ambitieux projet pour notre pays, à la lumière de ce qui précède, c’est la création d’un Institut des Pensées critiques et prospectives ou l’Institut des Humanités au sein de la Cité. Un institut dédié à la recherche appliquée et fondamentale dans les domaines des Humanités, notamment dans les disciplines scientifiques « fondamentales » citées dans cette brève contribution.

Dr Kourouma Oumar, spécialiste d’Histoire, Sociologie et Théorie du Droit et des Sciences Politiques, Enseignant Chercheur, Gérant associé de K&A Training and Legal Intelligence Management, Vice-Président de Guinean Initiative for New Generation Action (GIGA).