Alors que l’intersyndicale de l’éducation menace d’aller en grève dans les prochains jours, le secrétaire général du syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG) désapprouve cette démarche. Aboubacar Soumah appelle les enseignants à ne pas suivre ce mot d’ordre de grève appelé par des syndicalistes qu’il qualifie d’«arnaqueurs ». Interview.
AFRICAGUINEE.COM : A la suite de la signature du protocole d’accord tripartite l’intersyndicale de l’éducation a haussé le ton en vous accusant d’avoir négocié pour protéger vos intérêts au détriment de ceux des travailleurs. Quelle est votre réaction ?
ABOUBACAR SOUMAH : Ces camarades qui parlent comme ça, sont des jeunes qui viennent d’arriver dans le syndicat. Ils n’ont pas de formation syndicale. Ils ne savent pas comment le syndicat fonctionne. Ils ne savent comment les protections sociales fonctionnent dans d’autres pays. Et pourtant, c’est à l’image des autres pays là que nous nous sommes battus pour créer l’INAMO (Institut national d’assurance-maladie obligatoire) et la caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS). Donc, nous syndicalistes, c’est nous qui nous sommes battus pour que ces institutions-là soient créées. Dans tous les autres pays, c’est à travers les subventions de l’Etat, les cotisations des travailleurs que ces institutions fonctionnent. Mais aujourd’hui en Guinée, c’est l’Etat seulement qui les subventionne, or ces subventions-là sont insuffisantes par rapport aux problèmes de santé auxquels font face les travailleurs.
Donc, nous nous n’agissons pas pour nous, on agit dans l’intérêt des travailleurs, c’est ce qu’ils doivent comprendre. Je ne vais personnaliser, car on m’accuse souvent d’avoir pris ceci, fait cela mais tout le monde sait comment je me comporte, comment je me suis toujours comporté, je n’ai fait aucune usurpation de pouvoir ou de place en aucun moment. Le secrétaire général Sy Savané, je ne l’ai jamais évincé, c’est eux qui m’avaient plutôt exclu. Donc, je respecte les textes juridiques qui régissent le syndicat (statuts et règlements intérieurs) du SLECG, c’est le premier syndicat libre de Guinée, quand nous voulons nous engager quelque part on s’engage. Et c’est dans cette optique là que nous sommes retrouvés dans la dynamique de l’unité d’actions de ces centrales. Et à ce titre, nous souscrivons au protocole d’accord qui est signé.
Vos camarades de l’intersyndicale menacent de déclencher une grève. Est-ce que vous allez vous y associer ?
C’est pour cette raison que nous disons que nous ne sommes pas partant pour cette grève parce qu’on n’a pas été associé au départ. Nous avons entendu proférer des menaces de grève à travers les réseaux sociaux et la presse pour donner un ultimatum à l’Etat. Pour nous, on ne peut pas nous prendre par des oreilles. Nous n’avons pas été appelés ni associés parce que c’est nous, ensemble syndicat de l’éducation qui avions déposé le mémo aux nouvelles autorités lorsqu’ils nous ont demandés de le faire. Maintenant, si on doit réactiver ces mémos il fallait qu’on se retrouve ensemble, qu’on fasse une synthèse des mémos pour en faire une plateforme revendicative et déposer au niveau du gouvernement, mais tel n’a pas été le cas. Ils ont pris la responsabilité eux seuls en se servant du mémo qui a été déposé depuis en septembre 2021 pour crier et appeler en grève. On ne peut pas accepter cela. La procédure n’est pas normale. On ne peut pas appeler à la grève sans faire cela. C’est maintenant qu’ils viennent de déposer le préavis de grève parce qu’on a dénoncé leur façon d’agir qui n’était pas légale. Donc, nous ne nous inscrivons pas dans cette logique de grève et nous avons donné des consignes à toutes nos structures, de Conakry à Yomou de ne pas suivre ce mot d’ordre de grève parce que les préoccupations soulevées sont déjà prises en compte.
M. Soumah, pourquoi vous êtes cette fois-ci contre une grève dans le secteur de l’éducation ?
Nous pensons que cette grève ne mérite pas d’être posée en ce moment. D’abord, toutes ces centrales syndicales qui crient à tort relèvent de la CNTG, (confédération nationale des travailleurs de Guinée) qui est signataire de ce protocole. C’est le cas de la FSPE qui est affiliée à la CNTG, pour la SNE je ne sais pas quelle centrale elle est affiliée. Mais quand des centrales y compris celle à laquelle ils sont affiliés signent un protocole, ce protocole-là a force de loi. Parce qu’ils sont parties intégrantes de cette structure. Ils ne se sont pas encore déclarés syndicat autonome comme le SLECG qui est autonome, car on s’est désaffilié à l’USTG. C’est à ce titre d’ailleurs qu’on a rejoint la dynamique de l’unité d’action. Mais je trouve que ce n’est pas opportun que ces camarades-là menacent d’aller en grève. Puisque les préoccupations dont ils font état comme ça, ont été pris en compte par les centrales dans ce protocole d’accord. Les primes et, indemnités tout a été pris en compte. Ils ne peuvent pas prétendre dire que les préoccupations du secteur de l’éducation n’ont pas été prises en compte.
Ces syndicalistes vous accusent de n’avoir pas évoqué le cas des contractuels lors de ces négociations. Qu’est-ce vous répondez ?
Les contractuels n’ont pas été omis. Nous avons parlé du cas des 10587 contractuels qui ont fait preuve de pratique de classe et qui évoluent maintenant, on a demandé à ce que ceux-ci soient engagés à la fonction publique mais, le gouvernement a dit qu’il y a une question de budget car en engageant tout ce nombre le budget ne pourrait pas supporter parce que c’est un budget d’austérité qui est là. Nous savons que l’école est plus importante aujourd’hui que n’importe quel autre sujet. Nous avons dit qu’il faut qu’on recrute dans l’éducation. Ils ont dit d’accord mais on a qu’à organiser un concours strictement ouvert à seulement à ces contractuels, aucune autre candidature ne sera acceptée. C’est la coordination nationale elle-même qui va déposer la liste des contractuels qui vont faire ce concours, c’est sur ça que nous nous sommes entendus. Parce que là aussi, il est important de rappeler que quand le ministre de l’éducation a demandé aux DPE (direction préfectorale de l’Éducation) de remonter les omis, ce sont ceux-là qui ont gonflé les chiffres jusqu’à près de 25 000 contractuels. C’est ce qui explique les difficultés. Sinon, nous sommes prêts à défendre les contractuels, nous sommes pour le principe qu’ils soient engagés sans concours mais le gouvernement tient compte de la fourchette économique.
Pour ce concours, est-ce qu’une date a été retenue pour l’organisation ?
Non, la date n’a pas été annoncée, en tout cas à ce que je sache et pour les jours pendant lesquels j’ai pris part aux négociations ça n’a pas été fixée. Mais ça ne sera pas une date lointaine parce qu’il y a une urgence qui s’exprime au niveau de l’éducation.
Ne craignez-vous pas que cette grève impacte la tenue des examens nationaux ?
Non, je ne pense pas que cette grève puisse perturber le déroulement des examens parce que ces camarades qui parlent de grève ne sont pas représentatifs. Par exemple, celui qui parle au nom du SLECG, c’est le représentant d’Oumar Tounkara, il représente quelle base ? C’est des dissidents qui ont été exclus du SLECG et ils ne sont que quatre. Ceux-ci peuvent-ils dire quelque chose aux enseignants ? Le SNE, (syndicat national de l’éducation) de Pépé Balamou, peut-être que sous le régime déchu il était représentatif parce qu’il s’était servi de la communauté pour recruter tous ceux qui sont du RPG dans le but de saboter le SLECG, en ce moment peut-être qu’il a recruté des éléments du RPG sinon ils ne sont pas représentatifs, c’est seulement des éléments du RPG qui sont inscrits dans le SNE. Et s’ils croient maitriser le terrain, ils n’ont qu’à lancer la grève on va voir. Mais je doute fort que leur mouvement puisse perturber les cours ou le déroulement des examens.
Avez-vous un message à livrer à vos camarades qui veulent aller en grève ?
Le message ou l’appel que j’aie, c’est à l’endroit des enseignants. Je demande aux enseignants de ne pas suivre ces colporteurs des fausses informations qui étaient là, au moment où il fallait se battre pour augmenter les salaires lorsqu’un gouvernement normal était là, lorsque le gouvernement avait toutes les possibilités de faire face aux revendications des travailleurs, ils ont refusé sachant très bien que les membres du gouvernement se sont accaparés des biens de ce pays-là, se sont enrichis illicitement, tout le monde le sait. Au lieu de se lever en ce moment-là pour combattre ceux-ci et obtenir l’amélioration des conditions de vie, ils ont préféré prendre les sacs noirs (argent de la corruption, ndlr) et se faire manipuler politiquement et nous empêcher d’atteindre nos objectifs, qui étaient l’augmentation salariale des travailleurs en général et des travailleurs en particulier. Donc, si ceux-ci réclament le payement des primes, faire ceci ou cela, pourquoi en ce moment ils n’ont pas accepté de s’associer à notre combat en se laissant manipuler, pourquoi se lèvent-ils maintenant ?
Je demande aux enseignants de ne pas les suivre parce qu’ils ne sont pas des véritables syndicalistes, ce sont des spéculateurs des fausses informations, c’est des arnaqueurs qui se servent du syndicat pour se hisser au sommet du syndicat alors qu’ils ne le méritent pas.
Qu’en est des huit (8) millions que vous aviez tant réclamé au gouvernement lors de vos grèves précédentes ?
Nous avions déposé une plateforme revendicative au niveau de l’inspection générale du travail par rapport à ce 8 millions là. On nous avait orienté vers le recensement des travailleurs. A l’issue de ce recensement, ce qu’on aurait engrangé allait mis sur les salaires indiciaires. Mais ces gens qui parlent de grève aujourd’hui-là, ce sont eux qui ont saboté ça en allant signé sous forme de primes d’incitation dont ils réclament le payement de nos jours et c’est eux (SNE et FSPE) qui sont sortis pour payer ces primes d’incitation parce qu’en ce moment ils étaient de mèche avec le gouvernement déchu qui les a manipulés, ils recevaient quinze (15) millions FG chaque paye. Lors du payement de ces primes, ils ont mis beaucoup d’enseignants à l’écart en les taxant d’être du SLECG et qui ont obéi à notre mot d’ordre grève à l’époque. Aujourd’hui ce sont ces 3000 qu’ils veulent défendre pour le payement de leurs primes d’incitation alors que ce sont eux qui les mis ont à l’écart à l’époque parce qu’étant manipulé par Bano (ancien ministre de l’éducation) et par le gouvernement de Kassory.
Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo